Québec: un Mois de l’histoire des Noirs qui ne plait pas à tous - Intexto, jounal nou
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Après 33 ans de sensibilisation et de mobilisation, la directrice de la Table ronde du Mois de l’histoire des Noirs (TRMHN), Nadia Rousseau, se dit parfois «déprimée» de la vision des paliers de gouvernement par rapport au financement tandis que des militants de la cause, comme Alain Babineau de la Coalition rouge, sont en mode boycottage des activités. Au milieu de tout cela, le gouvernement québécois, par la voie de son ministre de la lutte au racisme, Christopher Skeete, se dit satisfait, malgré la présence de certains «irritants».
«La situation a beaucoup évolué, affirme Mme Rousseau, en 2009 par exemple, c’était beaucoup plus une conversation entre personnes afro-descendantes qui étaient dans un vase clos. Maintenant on est dans une conversation avec le reste de la population.»
À la direction générale depuis deux ans, Nadia Rousseau connait bien la TRMHN pour en avoir été la trésorière pendant 14 ans. Le financement qui vient des paliers de gouvernement est fait sous la rubrique de l’immigration et de l’intégration, ce qu’elle s’est débattue à faire changer, sans succès.
Elle postule que le financement devrait être diversifié et ne pas être seulement en lien avec l’immigration, mais à l’économie, l’éducation, la culture, la famille, entre autres.
«Des communautés noires, il y a depuis Mathieu Da Costa, c’est une erreur qui mérite d’être corrigée en envoyant un signal clair que les communautés noires font partie du tissu socioculturel du Québec», argumente Mme Rousseau. Da Costa est considéré par les historiens comme le premier Noir à avoir visité le Canada, probablement en compagnie de Pierre Dugua de Mons et de Samuel de Champlain.
Justement, la ministre québécoise de l’Immigration, Christine Fréchette, ne manque de souligner ce fait historique dans un communiqué à l’occasion du Mois en 2024. «Grâce à leurs talents et à leur dévouement, elles (… ces communautés…) contribuent au développement social, culturel et économique du Québec depuis des siècles».
Voilà pourquoi Mme Rousseau estime que «c’est à la fois excitant, challengeant dès fois déprimant».
Policier de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) ayant pris sa retraite après 30 ans de services, Alain Babineau dit boycotter toute activité organisée par le gouvernement ou qui contient une présence de membres du gouvernement.
Il est porte-parole et de coordonnateur de la Coalition rouge sur les enjeux de profilage racial et de sécurité publique. La semaine dernière, il a été invité à une activité d’un organisme de Lassalle, à Montréal et a demandé qu’on lui soumette la liste des invités.
«C’est sûr que si le soi-disant ministre de la lutte au racisme allait être là, moi je n’allais pas me présenter là, parce que c’est rire des gens», tance-t-il en entrevue avec le Média des nouveaux Canadiens (MNC).
Il reproche à Christopher Skeete d’ignorer toutes communications de la CR en lien avec des actes de racisme dans la province. À Terrebonne, trois jeunes filles noires se font attaquer à la hache par un voisin blanc; à Saint-Hyacinthe, une jeune fille noire se fait tirer les cheveux pendant six mois par ses camarades qui la harcellent. Tous des cas documentés et défendus par la CR et qui sont par devant des instances de droits de la personne.
«Il n’a jamais daigné même nous envoyer un accusé de réception», déplore M. Babineau, très remonté contre cette attitude du gouvernement. «Le Mois de l’histoire des Noirs est utilisé dans toutes les sauces et par la Ville de Montréal. Or la Ville a détourné la tête par rapport aux incidents racistes», juge Alain Babineau. Commencez à faire des gestes concrets.
Ministre de la lutte au racisme, Christopher Skeete, un homme noir qui se faisait traiter de nègre à l’âge de 7 ans, prend le contrepied de ceux qui disent que la lutte n’a pas évolué. «s’il y a des gens qui disent que cela n’a pas avancé, c’est faux, jamais il y a eu un gouvernement qui en a fait autant que celui de la CAQ», martèle-t-il.
À la suite de la mort de George Floyd, en 2020, le monde entier se posait des questions quant à la relation qu’on avait avec nos communautés afro-descendantes, se rappelle le ministre. Des questions liées au logement, à la reconnaissance des diplômes, à l’interpellation policière entre autres.
Dans la foulée, le premier ministre du Québec, François Legault, avait mis sur pied un Groupe d’action contre le racisme qui a produit un Rapport avec 25 recommandations. Selon M.Skeete la plupart des points ont été traités dans le rapport, notamment sur la question des représentations des minorités visibles dans les Conseils d’administration des sociétés d’État.
«L’objectif a été atteint et on l’a même dépassé. Nous sommes à 65% maintenant», a-t-il scandé. De plus, il a annoncé la mise sur pied d’un programme de formation à l’Université de Sherbrooke à l’intention des administrateurs. Une bourse a même été créée en ce sens en vue d’augmenter le bassin de personnes éligibles.
Pour ce qu’il s’agit des interpellations policières abusives, le ministre a souligné la mise en place d’une nouvelle directive du ministère de la Sécurité publique à l’endroit des corps policiers qui interdit cette pratique, sous peine de sanctions.
Dorénavant, les interceptions seront pratiquées à des fins de contrôle du taux d’alcoolémie tandis que les interpellations des piétons seront quantifiées selon la nouvelle Directive.
Il y a des citoyens qui ne sont pas satisfaits tout comme des groupes policiers, admet le ministre, mais nous je pense qu’on est à la place ou est-ce qu’on doit être : dans le milieu. On fait quelque chose qui ne plait pas à tout le monde, mais qui constitue une avancée importante.»
Christopher Skeete invite les victimes du racisme à ne pas « se leurrer », car «on ne va pas régler le racisme en 5 ans, mais comment on fait, pour faire bouger l’aiguille».
Mais la responsable de la TRMHN, Nadia Rousseau, estime que l’aiguille ne bouge pas tant que cela sur certains points. La position du gouvernement caquiste qui ne reconnait pas le racisme systémique n’aide pas la cause, selon elle. Par rapport au reste du Canada, «au Québec, la situation du racisme est plus dure par la position du gouvernement», observe la militante des droits de personnes racialisées.
Le Mois de l’histoire des Noirs chapeaute plus de 150 activités cette année à travers la province. À titre de comparaison, il y a avait seulement 5 événements en 2009. En outre, davantage d’institutions, en particulier privées, y participent. «On reçoit beaucoup de sollicitations d’entreprises privées qui nous demandent d’organiser des activités pour eux dans le cadre du Mois», note Mme Rousseau avec joie.