Québec:un Métis victime de racisme au travail
Rétrogradé par un chef machiniste au déchargement de camions, Biénné Blémur, 63 ans, chef gréeur au Parc Jean-Drapeau, vidait une boite de perche afin de « terminer sa journée de travail en dépit de l’humiliation qu’il venait de subir », lorsqu’il accroche le dessus du casque d’un chef d’équipe qui arrivait en arrière de lui.
« Fais attention crisse de nèg! » lui lance ce dernier devant au moins deux de ses collègues. Une heure plus tard, le chef gréeur depuis trois ans, transformé en préposé au débarquement, est renvoyé chez lui par le chef machiniste sans aucune forme de procès.
Lorsqu’il tente de faire valoir ses droits et menace de porter plainte pour harcèlement psychologique, son supérieur lui répond : « ta plainte, tu peux la mettre dans ta poche »
Pire encore, son employeur minimise ce qui lui arrive lorsqu’il s’est plaint. « Se faire traiter de «criss de nèg» n’est pas pire que de faire rire de sa calvitie. »
Dépité par la situation, M. Blémur dépose, en août 2016, un grief qui a mené à une médiation entre lui et son employeur et à une entente de règlement est entérinée par un arbitre en juin 2017.
L’entente reconnaît que le chef gréeur a été victime de «propos racistes, isolé et exclu» et que l’employeur n’a pas géré « de façon efficace, rigoureuse et adéquate» la situation.
Cependant, l’entente n’a pas été entièrement appliquée. L’Alliance internationale des Employés de Scène et Théâtre (AIEST) choisit de faire homologuer l’entente par la Cour supérieure à la fin de juillet 2017 pour supposément forcer la Société du Parc Jean Drapeau (SPJD) à respecter l’entente.
Entretemps, son harceleur est passé de chef d’équipe à chef machiniste par les bons soins de son propre syndicat, ce qui signifie qu’à son retour au travail, M. Blémur devrait travailler sous la supervision de cette même personne.
L’employeur et le syndicat forcent M. Blémur à revenir au travail sous l’autorité de la même personne qui avait tenu des propos racistes à son endroit.
« Vous êtes en train de me dire que vous institutionnalisez la discrimination? », demande alors l’employé victime.
Ainsi, au 3e jour du retour au travail du chef gréeur, après un an d’absence, ce chef machiniste tente alors de le remplacer de nouveau dans son poste par la même personne responsable des incidents de 2016.
Il dépose alors un second grief pour discrimination, harcèlement racial et psychologique. En raison de la situation qui n’a eu de cesse, l’employé quitte son travail et dépose un 3e grief pour discrimination et harcèlement racial.
Biénné Blémur loge également auprès du Tribunal administratif du travail, une plainte pour défaut de représentation à l’encontre de son syndicat. Il est sans salaire depuis décembre 2018.
Cafouillis syndical
Dans un article publié début novembre dans The Gazette, le vice-président Richard Soly prend la défense du chef d’équipe qui a traité l’employé d’origine haïtienne de « crisse de nèg » en affirmant que ce n’est pas racisme et qu’il l’a dit qu’une seule fois.
«Il était en colère. Il a été frappé à la tête et il était en colère. Pour moi, c’est un commentaire raciste si la personne le dit à tous les jours. Ça, c’est un commentaire raciste. »
« À partir de combien de fois, est-ce que l’on peut considérer que c’est du racisme?, s’interroge Biénné Blémur, sauf que cette fois-là cela a changé ma vie »
Pendant quatre mois, en 2016, il était en consultation psychiatrique et a perdu un mois et demi d’ouvrage. Au total, il a perdu depuis trois ans que ça dure, plus de 100 000 dollars en salaire non perçu, sans compter les frais d’avocat.
Dans un communiqué, le Syndicat dit rejeter les commentaires de son vice-président Richard Soly, et les range dans un cadre « personnel ». « Ces propos ne sont pas l’expression de l’opinion ou de la position de l’A.I.E.S.T., section locale 56, de ses membres ou de ses représentants. »
L’AIEST rappelle que l’affaire est par devant les tribunaux et est toujours en cours et se refuse à la commenter.
Des son côté, le Centre de recherche action sur les relations raciales (CRARR) juge toutefois que « l’importance de sa déclaration (Richard Soly) ne peut être minimisée. »
« Ses propos ont simplement banalisé le racisme et soulève de sérieuses questions quant à sa capacité de porter adéquatement le dossier de M. Blémur devant les différentes instances»,
affirme Fo Niemi, directeur général du CRARR.
Deux poids deux mesures
Élevé dans le bas du fleuve, la particularité du jeune Biénné au teint basané forçait l’admiration. Mais à l’école et à Montréal surtout, il est passé par toutes émotions liées aux commentaires et aux blagues racistes.
« Tout le monde sait que qu’il y a deux choses auxquelles il ne faut pas toucher : ma relation à mon emploi et mes origines »
« Et là, on a pesé exactement sur les boutons qui constituent ma ligne rouge ».
Biénné Blémur croit justement qu’en raison de ces origines, cette affaire traine en longueur depuis trois ans.
« Dans la même période que cela s’est passé, il y a eu au moins cinq cas d’allégations psychologiques au Parc Jean-Drapeau impliquant des Québécoises blanches et cela s’est réglé dans la semaine sinon dans le mois »
Biénné Blémur possède une maîtrise en études littéraires obtenue en 2017. Son Mémoire a été reçu avec la mention «excellent, sans correction» à l’unanimité du jury et portait sur L’Océantume de Réjean Ducharme, et qui a pour titre « La mer amère de la mère »
« Ma vie a volé en éclats et que je peine à ramasser les morceaux compte tenu que je suis, aujourd’hui, exactement dans la situation d’une souris qui se bat contre deux éléphants… »-Biénné Blémur
Vous pourriez aussi aimer!
One Comment on “Québec:un Métis victime de racisme au travail”
Comments are closed.
C’est inadmissible. Une seule fois est deja de trop … les juges ne sont pas justéqjustesuitables. Pour ma part, cette personne devrait être punie et renvoiyée de la compagnie. C’est ainsi que nous ferons un pas pour enrayer le racisme et les paroles intimidantes et humiliantes qui parfois amènent la victime au suicide.