Racisme systémique: comprendre le déni de Québec
Malgré la reconnaissance du racisme systémique par 10 des 13 provinces et territoires au Canada lors de la réunion sur les droits humains tenue à la mi-novembre, Amnistie internationale estime que «les engagements ne sont pas très forts » et critique vertement l’absence de Québec à la rencontre.
Outre la belle province, la Saskatchewan, en raison de la période de transition actuelle qui suit ses élections y était à titre d’observatrice. Idem pour l’Alberta. Quant à Québec, c’est le terme « racisme systémique » dans le communiqué commun qui le tique.
« On trouve cela d’autant plus déplorable que le sujet de la conférence n’était pas le racisme systémique, mais la mise en œuvre des engagements internationaux du Canada.», indique France-Isabelle Langlois, porte-parole d’Amnistie Canada, section francophone.
Dès le début de la rencontre, Nadine Girault, ministre québécoise responsable des questions de droits humains s’était retirée du groupe pour protester contre la présence du terme «systémique» qui allait faire partie du communiqué final.
Et le gouvernement québécois exige qu’on lui attribue cette note à la fin et se dissocie du communiqué final.
*Bien qu’il partage plusieurs des objectifs généraux poursuivis par les autres gouvernements, le Québec a participé à titre d’observateur à la conférence fédérale-provinciale-territoriale des ministres responsables des droits de la personne, et, conséquemment, n’est pas partie à ce communiqué. Le Québec est résolument engagé à défendre et à promouvoir les droits de la personne sur son territoire, dans l’exercice de sa pleine compétence. Les 11 instruments internationaux en matière de droits de la personne auxquels il s’est déclaré lié, la reconnaissance des principes de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, la création d’un groupe d’action sur le racisme et la prise de mesures concrètes pour aider les populations vulnérables en cette période difficile, notamment, en témoignent. Le Québec poursuivra sa collaboration avec les autres gouvernements à cet égard par l’échange d’informations et de pratiques exemplaires.
« Est-ce qu’on est en train de jouer avec les mots pour ne pas résoudre le problème?», se demande dans un premier temps la militante des droits de l’homme.
« Ce n’est jamais clair avec le Québec, dit Mme Langlois, qu’est qu’il ne reconnait pas ? Est-ce que c’est la terminologie, le fait du racisme?», s’interroge-t-elle.
Problème d’intelligence collective?
Dans son déni, le premier ministre François Legault laisse entendre, parfois, que la population ne serait pas à même de comprendre le terme, de « faire la différence entre racisme systémique et racisme tout court.»
France-Isabelle Langlois réfute cette thèse et dit miser sur le grand esprit du peuple québécois.
La militante qui affirme ne pas comprendre trop ce qui « dérange profondément » le premier ministre souhaite qu’on lui mette la pression « pour qu’il s’explique. »
Car pour Amnistie, le décès, le 28 septembre 2020, de Joyce Echaquan, une femme autochtone, dans un hôpital de Joliette, n’est qu’une manifestation de plus du racisme systémique envers ce peuple et les autres personnes non blanches.
L’organisation compare la situation d’aujourd’hui, cette « résistance » face à la reconnaissance du problème à celle qui prévalait (avant les années 60) pour les femmes qui ont vécu du « sexisme systémique »
« Il y a eu beaucoup de résistance, se souvient la défenseuse des droits humains, mais on a réussi par faire en sorte que la société le reconnaisse, C’est une bataille de longue haleine.»
« Leur propre contradiction »
France-Isabelle Langlois s’explique mal cette opposition farouche de la part du gouvernement du Québec. D’autant que, souligne-t-elle, qu’il ait mis sur pied un groupe de travail sur le racisme et qu’il y ait «des choses qui se font.»
Elle hésite également à attribuer à François Legault l’étiquette de raciste.
« Je ne pense pas qu’il soit en faveur du racisme ou toute autre discrimination. Mais il faut tenter de comprendre ce déni si fort.», dit-elle.
Toutefois, elle trouve particulier la tentative du premier ministre de contrôler les travaux du Groupe d’action sur le racisme mis sur pied par le gouvernement.
François Legault avait mis en garde publiquement les coprésidents du groupe (Nadine Girault et Lionel Carmant) quant à la présence du terme « Racisme systémique » dans leur rapport final.
Mme Girault et le Dr Carmant sont de race noire, d’origine haïtienne. Lionel Carmant a même déjà été victime de racisme au Québec selon ses dires.
Les rencontres des ministres responsables des droits humains au Canada avaient lieu de façon aléatoire et des périodes de 30 ans pouvaient s’écouler sans qu’il y en ait. L’avant dernière avait lieu en 2017 et il fallait remonter à 1988 pour retrouver une autre.
Les autorités ont convenu d’en faire un Forum officiel et dont les réunions se tiendront tous les deux ans.