Repentigny au tribunal pour deux cas de profilage racial
Après avoir fait trainer en longueur l’affaire Shewany et Kélian, deux jeunes noirs de 12 ans victime de profilage racial, en 2013, selon une décision rendue en 2018 par la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ), la Ville de Repentigny conteste cette fois le cas de François Ducas, survenu en 2017, devant les tribunaux.
C’est un François Ducas toujours « habité par la rage », trois ans après ses mésaventures avec le Service de police de la Ville de Repentigny (SPVR) qui rencontre les médias ce samedi pour réagir à la décision de la Commission d’exiger que le SPVR lui verse 25 000 dollars en dommages. On parle pour les deux dossier de $ 67 000 en dommages punitifs et moraux.
« J’ai perdu toute confiance dans ce système qui protège la police de Repentigny au détriment des honnêtes citoyens. », lance-il en conférence de presse devant la Marché Wilmar sur la rue Brien.
Le 8 décembre 2017, au matin, alors qu’il se rendait à travail, l’enseignant est intercepté par les agentes Gazaille et St-Sauveur qui auraient suivi ce dernier pendant deux kilomètres avant de l’intercepter pour une vérification de routine.
L’agente Gazaille aurait dit au plaignant qu’elle voulait vérifier si le véhicule lui appartenait.
Comme le plaignant contestait l’intervention et refusait de s’identifier, les agentes ont fait un appel de renfort. À son arrivée sur les lieux, l’agent Emond aurait indiqué au plaignant que s’il refusait d’obéir, il serait mis en état d’arrestation.
Par la suite, les trois agents mis en cause auraient exigé du plaignant qu’il sorte de sa voiture, l’auraient mis en état d’arrestation, menotté et fouillé, pour des raisons de sécurité, avant de le placer dans l’autopatrouille aux fins de son identification.
Ils ont émis deux constats d’infraction à l’encontre du plaignant, l’un, pour entrave et l’autre, pour avoir injurié un policier.
« La Commission est d’avis, à la lumière des éléments recueillis en enquête, que la preuve selon laquelle le plaignant aurait été victime de discrimination, sous forme de profilage, fondée sur la race et la couleur, est suffisante pour soumettre le litige au tribunal.»-Extrait de la Décision.
La longue route vers la justice
Comme de fait, le service de Communications de la Ville de Repentigny le confirme à In Texto: on s’adresse aux tribunaux.« Étant donné que c’est judiciarisé, nous ne ferons pas de commentaires à ce sujet.», mentionne Marlène Girard lors d’une conversation téléphonique.
François Ducas qui espère encore que le SPVR reconnaisse le profilage racial « demeure réaliste » toutefois, en sachant que son dossier trainera devant les tribunaux.
« Le SPVR utilise plusieurs stratagèmes pour retarder les démarches légales au lieu de reconnaitre leur culpabilité.»-
François Ducas
L’affaire Shewany et Kélian, ces deux de 12 à l’époque arrêtés, fouillés, ayant subi un interrogatoire musclé dans la présence de leurs parents ou d’avocat afin de les forcer à avouer un délit qu’ils n’ont pas commis, date de 2013.
Ils sont aujourd’hui adultes et sont toujours dans le processus d’obtenir justice après une décision de la CDPDJ en 2018. La Commission réclame 42 000 dollars en dommages pour les jeunes.
En allant devant les tribunaux avec ces deux décisions, la Ville de Repentigny rejette, du même souffles, les mesures de redressement proposée par la Commission et refuse de payer les sommes demandées.
« Les processus sont longs. Mais, nous devons continuer à porter plaintes et vous ne serez pas seuls dans la démarche.», assure Pierre-Richard Thomas de Lakay Média, un organisme de Repentigny qui lutte contre le phénomène.
Mesures de redressement
La CDPDJ appelle la municipalité à adopter et mettre en œuvre une politique visant spécifiquement à lutter contre le profilage racial et en assurer la diffusion au sein des policiers, superviseurs et dirigeants actuellement à l’emploi de son service de police, ainsi qu’aux employés à y être embauchés, le tout, dans un délai d’un (1) an.
Elle lui demande aussi de transmettre copie de la politique à la Commission dans le même délai, ladite politique incluant minimalement les éléments suivants :
a) L’existence du phénomène du profilage racial dans les interventions policières et la possibilité de préjugés conscients ou inconscients lors de telles interventions;
b) Les principaux préjugés liés aux différents groupes racisés, dont notamment les personnes de race noire;
c) Les principaux indices de traitement différencié ou inhabituel caractéristiques du profilage racial dans le cadre des interventions policières;
d) L’identification des mesures les plus efficaces permettant de contrer le profilage racial dans les interventions policières;
e) Les conséquences du phénomène du profilage racial sur les personnes et les groupes racisés;
Données sur la race
Il est aussi sollicité de la Ville qu’elle recueille et publie systématiquement les données concernant l’appartenance raciale perçue et/ou présumée des individus faisant l’objet d’une interpellation policière afin de documenter le phénomène du profilage racial.
Ce travail était déjà en cours bien avant la décision de la Commission.
Les autorités devront assurer aussi une formation donnée par un expert en profilage racial pour contrer la discrimination sous forme de profilage racial assortie d’une évaluation formelle des acquis pour les policiers actuellement à son emploi ainsi que les policiers à être embauchés, incluant les superviseurs et dirigeants, le tout, dans un délai d’un (1) an, laquelle inclut minimalement les éléments suivants :
a) La définition du profilage racial telle que reconnue par l’arrêt Bombardier de la Cour suprême du Canada ([2015] 2 R.C.S. 789);
b) Une revue de la jurisprudence actuelle en matière de profilage racial;
c) Une revue de la doctrine sur le contexte social lié au profilage racial dans le cadre d’interventions policières;
d) L’existence du phénomène du profilage racial dans les interventions policières et la possibilité de préjugés conscients ou inconscients lors de telles interventions;
e) Les principaux préjugés liés aux différents groupes racisés, dont notamment les personnes de race noire;
f) Les principaux indices de traitement différencié ou inhabituel caractéristiques du profilage racial dans le cadre des interventions policières;
g) L’identification des mesures les plus efficaces permettant de contrer le profilage racial dans les interventions policières;
h) Les conséquences du phénomène du profilage racial sur les personnes et les groupes racisés.