Repentigny: des Noirs exigent d’enquêter sur la police
Des résidents de la communauté noire de Repentigny lancent un appel à la ministre de la Sécurité publique du Québec Geneviève Guilbault, de faire une enquête sur « les pratiques répandues de profilage racial et de harcèlement policier » à leur endroit, une démarche que la Ville et le Service de police de Repentigny (SPVR) «rejettent» en bloc.
La requête, en rédaction actuellement au sein du Centre de recherche action sur les relations raciales (CRARR), repose sur les articles 279 et suivants de la Loi sur la police.
En vertu de l’article 281, la ministre peut, soit à la demande d’une association représentative des policiers ou d’un groupe de citoyens de la municipalité concernée, mandater une personne pour faire enquête en vue de vérifier si cette municipalité assure des services de police adéquats.
« D’entrée de jeu je peux vous dire qu’on rejette ce qui est avancé à l’intérieur du communiqué du CRARR, a dit David Legault, directeur général de la Ville, ça ne représente pas la réalité de nos relations avec les communautés culturelles sur notre territoire.»
Ces relations se sont détériorées depuis que plusieurs citoyens (en 2018) aient porté plainte et fait des sorties médiatiques pour dénoncer des abus policiers dans la région.
Petite hausse
- Au total, six griefs ont été déposés auprès de la déontologie policière au cours de 2018.
- Le nombre de plaintes est déjà passé à neuf cette année.
- Depuis octobre 2018, le CRAR a déposé 10 plaintes de profilage racial auprès de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, au nom de 5 hommes noirs. M. Jossirain à lui seul a déposé 6 plaintes.
- En outre, l’hiver dernier, la Commission a déposé un cas devant le Tribunal des droits de la personne au sujet de deux enfants noirs qui ont été maltraités en 2013, quand ils avaient 13 ans.
Face à la situation, le Service de police de la Ville de Repentigny (SPVR) avait créé fin 2018 un poste d’agent de liaison avec les communautés culturelles (près de 6 000 personnes) en vue d’un rapprochement avec ces derniers.
« C’est vrai qu’on travaille avec l’agent Jean-François Fortier mais le comportement des policiers n’a pas changé. Il est super gentil et déterminé, mais en gros, il est comme un homme de paille finalement.»,
peste Francois Ducas.
Décembre 2017, à la suite de son quart de travail à l’école L’Horizon, situé dans le quartier Le-Gardeur à Repentigny,l’enseignant François Ducas saute dans sa BMW pour renter chez lui. À peine qu’il quitte l’établissement, il est pris en chasse par une patrouille de police. La filature s’étend sur 2.5 kms jusqu’au boul. Brien où deux policières activent le gyrophare et l’interpellent avec une question : Est-ce que la voiture vous appartient?
Ce dernier, enseignant dans Lanaudière, a été l’un des premiers à dénoncer le profilage dont il faisait l’objet de la part du corps de police.
S’en est suivi l’histoire dans les médias du jeune Stanley Jossirain qui «se faisait harceler». Les deux reconnaissent que la situation s’est calmée en ce qui les concerne personnellement «malgré un sentiment d’inquiétude» qui les habite.
Ils déplorent toutefois que d’autres jeunes continuent de subir ce qu’ils ont vécu.
Fin mai dernier, alors qu’il emménageait à Repentigny, Emmanuel St-Fleurant Jr s’est fait coller un ticket de 808 dollars et 10 point démérite par un policier qui estimait sa vitesse sans radar à plus de 100 km/h sur une route de 50.
Par ailleurs, des policiers seraient intervenus sans mandat dans la résidence d’un jeune lors d’un BBQ pour lui administrer des billets de contravention liés à une voiture de marque garée devant chez lui.
« Ce genre de pratique est en train d’envoyer des messages pour dire que si vous êtes Noirs vous n’êtes pas le bienvenu à Repentigny. Donc, ne déménagez plus à Repentigny ou si vous y êtes, songez à quitter la ville »,
analyse Fo Niemi du CRARR
Pour sa part, la Ville, qui rejette en bloc le communiqué de l’organisme de défense des droits humains, affirme que les relations avec les différents groupes s’améliorent de jour en jour.
Le SPVR dit soutenir son agent de liaison, Jean-François Fortier, dans son travail de rapprochement. Toutefois, il y aurait place à de l’amélioration.
« Est-ce que tout est parfait? Probablement que non, certainement pas. Est-ce qu’on est ailleurs aujourd’hui? Certainement.», soutient David Legault, directeur général de la Ville.
De son côté, la cheffe de la police, Helen Dion, se dit « extrêmement déçue de voir ce qui est écrit dans le communiqué du CRARR. »
Elle rappelle que ceux qui dénoncent aujourd’hui la police faisaient partie, il y a peu, d’un comité qui travaille à tisser de bonnes relations avec les ethnies et ne s’explique pas leur volte-face.
« C’est un petit groupe qui ne souhaite pas collaborer de près ou de loin à trouver des solutions et c’est leur droit de trouver une autre façon de se faire entendre », dit-elle.
Interrogée sur l’existence du phénomène de profilage racial sur le territoire la seule femme cheffe de police au Québec laisse planer un doute sur le sujet.
« Je ne peux pas vous dire à 100%, parce que bon…s’il y en avait, il serait traité et sanctionné »
Helen Dion
Pour étayer ses dires, Mme Dion révèle à In Texto qu’un policier a déjà été sanctionné, récemment, en raison d’un écart de langage vis-à-vis d’un membre des communautés culturelles.
La sanction, prise sur la base d’une vidéo de l’incident, a été enregistrée dans le dossier de l’agent en dépit d’un manque de collaboration de la victime, souligne-t-elle.
Rappelons que la requête du CRAR en vue d’une investigation sur le SPVR comprend aussi l’option de mettre sous tutelle le service de police et de suspendre la Directrice
Ils ont dit
«Je suis devenu une personne aigrie, vide, et cela a de la répercussion sur ma famille »-Francois Ducas, enseignant qui se dit victime de profilage racial à Repentigny.
« Je me suis mis complètement à carreaux. Je ne sors presque pas. Donc impossible de me faire intercepter comme avant »-Francois Ducas
« Tous les citoyens de Repentigny peuvent être interceptés s’ils commettent une infraction au code de la sécurité routière »-Helen Dion