Repentigny: un candidat victime de profilage racial?
« Je pense que j’ai vécu un épisode de profilage racial moi-même », lance Olivier Huard, candidat à la députation de Repentigny-Saint-Sulpice sous le chapeau de Québec solidaire lors d’un Débat organisé par Lakay média auquel ses compétiteurs de la Coalition avenir Québec (CAQ), du Parti libéral du Québec (PLQ) et du Parti québécois (PQ) ont pris part le samedi 15 septembre dernier à l’église Précieux sang.
Originaire de la Gaspésie, teint basané, le candidat de QS était en train de poser ses pancartes électorales entre minuit et 5h du matin dans la circonscription lorsqu’une patrouille l’a intercepté sur un ton qui a monté assez haut, selon lui, et à la limite de l’agressivité.
« Qu’est-ce que tu fais la? Mets pas tes mains dans tes poches!!!», lui auraient lancé les policiers de la patrouille avant qu’il ait réussi à leur montrer que «sa face était sur la pancarte».
Olivier Huard a confié lors du débat, devant près de 150 personnes, qu’il trouvait cela « stressant » et que jusqu’à présent il se demande ce qui s’est réellement passé.
« J’entendais ça souvent de plusieurs de mes amis racisés. Je m’indignais car je ne comprenais pas. Mais là,… je l’ai vu », a dit l’aspirant député.
Le témoignage de Olivier Huard faisait suite à une question du Repentignois François Ducas qui s’était présenté comme une victime du profilage racial lors du débat. « Est-ce qu’on a notre place à Repentigny?», a-t-il demandé aux quatre candidats, en faisant allusion aux Noirs, comme lui, et aux autres citoyens membres des communautés ethnoculturelles de la région.
M. Ducas est enseignant et sa femme, une Québécoise de race blanche, est médecin. Dans sa voiture il se fait arrêter et cuisiner par les policiers sur son train de vie. « Voilà pourquoi, je ne conduis jamais celle de ma femme qui est une voiture de luxe », a-t-il raconté.
«Je suis allé en déontologie après plusieurs incidents du même genre. Mais la semaine d’après, les mêmes policiers qui m’ont intercepté pour un rien, ont recommencé avec un de mes amis »-Francois Ducas.
Profilage racial?
« Action prise pour des raisons de sûreté, de sécurité ou de protection du public par une ou des personnes en situation d’autorité. Cette action vise une personne ou un groupe de personnes selon des facteurs d’appartenance réelle ou présumée, tels la race, la couleur, l’origine ethnique ou nationale ou la religion. L’action, posée sans motif réel ou soupçon raisonnable, expose la personne visée à un examen ou à un traitement différentiel. »- définition officielle
Outre Olivier Huard, les trois autres candidats : Lise Lavallée de la CAQ, Émilien Thérien du (PLQ), Éric Tremblay du (PQ) ont tous condamné énergiquement cette pratique qui semble prendre de l’ampleur dans la région.
Mesdames Lavallée et Thérien ont même invité les victimes à aller voir la déontologie policière ou du moins leurs élus municipaux afin de se faire entendre, car cela relève du municipal selon elles.
«C’est important que la mairesse soit au courant de ce qui se passe sur son territoire et je pense qu’elle ne sera pas d’accord avec cela »-Lise Lavallée.
Marlène Girard directrice des communications à la Ville de Repentigny a rappelé en entrevue au journal que le profilage racial « comme tout autre que ce soit social n’est pas accepté » sur son territoire et qu’il n’y en «jamais eu».
Elle a ajouté que la Ville applique une politique de tolérance zéro par rapport à cette question et que les policiers sont formés à cet effet.
« Peu de plaintes »
Pour sa part le Service de police de la Ville de Repentigny (SPVR) affirme que tout le monde est traité de façon égale sur le territoire. Daniel Archibald, directeur adjoint du SPVR, insiste sur le fait qu’aucun policier de son service n’ait été condamné en lien avec le profilage racial.
Le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), lui, a déjà été condamné. En mars dernier, le SPVM a été écopé pour profilage après l’arrestation d’un jeune automobiliste noir à Montréal-Nord en 2011. Le corps de police et les deux agents impliqués devaient lui verser 14 000 $ pour le dédommager.
« Il peut y avoir de plaintes, mais jamais un policier de Repentigny n’a été condamné pour profilage » a-t-il dit. Interrogé sur le nombre de plaintes reçues, M. Archibald a fait savoir qu’ «on en a très peu».
Marlène Girard, porte-parole de la Ville et Daniel Archibald, chef adjoint du SPVR
Ces quelques plaintes, déposées à la déontologie, sont traitées généralement par des instances indépendantes de la Ville ou de la police afin de s’assurer de l’impartialité des décisions.
Mais le PQ croit que le problème devrait être géré au plus haut niveau de l’État. Éric Tremblay va jusqu’à réclamer une intervention du provincial à ce stade de la situation du profilage.
Le candidat à la députation a rappelé qu’il existe des lois au Québec qui condamnent ces genres de pratique. «Ces lois sont justes et si elles ne sont pas appliquées par les élus locaux, il incombe au gouvernement du Québec de s’en mêler.»
Le PLQ semble se distancer de cette approche interventionniste prônée par le PQ sur cette question. La candidate du parti de Philippe Couillard met en garde contre une ingérence dans des affaires qui ne seraient pas de son ressors. «On pourrait nous accuser d’ingérence, a-t-il souligné, car la police relève du municipal»
Une manifestation serait prévue devant l’Hôtel de ville de Repentigny ce samedi afin de dénoncer l’attitude des policiers.