Technologies de surveillance: le SPVM est à surveiller

Le conseil municipal de Montréal doit se pencher le mardi 22 septembre 2020 sur la motion déposée le 24 août dernier par le conseiller indépendant de l’arrondissement Côte-des-neiges-Notre-Dame-de-Grâce (district Snowdon), Marvin Rotrand, relative à l’utilisation des technologies de surveillance par le Service de police de Montréal.
Appuyée par une coalition de 26 organismes communautaires, cette motion vise à exercer un certain contrôle sur le SPVM dans l’utilisation de ces technologies, afin de garantir aux citoyens que les renseignements personnels qui les concernent et leurs droits constitutionnels seront respectés.
« Motion visant à promouvoir la transparence ainsi qu’à protéger le droit à la protection des renseignements personnels et les libertés civiles contre l’utilisation des technologies de surveillance par le Service de police de Montréal », est une inspiration d’une motion adoptée par la ville de New York pour encadrer l’utilisation invasive de technologies de surveillance par la police, a souligné vendredi, Marvin Rotrand, lors d’une conférence virtuelle à laquelle ont participé plusieurs experts évoluant dans le domaine des libertés civiles.
Texte de la motion
– que le Service de police obtienne l’approbation du Conseil municipal pour acheter, louer, déployer ou utiliser toute technologie de surveillance reposant sur des technologies de reconnaissance faciale, des technologies de lecture automatique de plaques d’immatriculation ou des appareils de quelque nature que ce soit pouvant repérer ou suivre les téléphones cellulaires;
– que le Service de police, à compter de 2022 pour l’année civile 2021, dépose chaque année au Conseil municipal un rapport annuel sur l’utilisation de telles technologies approuvées par le Conseil et publie sur son site web les lignes directrices encadrant le déploiement de ces puissants outils;
– que, si le Conseil municipal autorise le déploiement de technologies de surveillance sur son territoire, la Ville de Montréal adopte une réglementation stricte sur l’utilisation et l’encadrement de ces technologies afin d’assurer le respect de la vie privée et la protection des renseignements personnels des individus, et qu’elle tienne une consultation publique sur la question avant l’adoption du règlement.
« Nous constatons qu’il y a un manque de transparence au niveau du SPVM. Le service de police semble ne pas apprécier la surveillance civile », déplore M. Rotrand qui espère trouver l’appui de ses collègues conseillers pour faire adopter la motion.
En plus du parti Ensemble Montréal, M. Rotrand peut aussi compter sur des experts en la matière pour débattre du sujet, afin de mieux informer les autres collègues qui se montrent encore hésitants.
Des technologies de catégorisation
Le sociologue Jonathan Roberge, professeur de sociologie numérique à l’Institut national de Recherche scientifique, a, pour sa part, présenté certains enjeux des dispositifs biométriques, notamment la reconnaissance faciale (qui consiste à calculer entre 80 à 100 points biométriques dans le visage.
Ces dispositifs biométriques qui visent à identifier les personnes ne sont pas nouveaux, rappelle-t-il, soulignant que la nouveauté demeure l’automatisation de ces dispositifs développée depuis une soixantaine d’années.
« Ces technologies sont déjà répandues et elles sont en forte expansion dans une pléthore de domaines, dont les corps de police. Cependant, il s’agit de technologies de catégorisation, d’assignation à identité, sujettes à l’erreur, à des dérives potentielles, à la discrimination par rapport, entre autres, aux groupes victimes de racisme», assume le professeur.
Notion de consentement
Tout ce qui touche à la vie privée, à la protection des données, fait appel au consentement, cette importante notion, assez centrale dans les dispositifs légaux surtout au Québec, fait remarquer, par ailleurs, M. Roberge.
Mais, selon lui, cette notion est effacée dans le réel par la technologie faciale qui opère à distance. « Comme ça, on ne peut pas savoir si on y est soumis. Le consentement devient dès lors une notion absurde, ambigüe et peu réaliste socialement », constat-t-il.
Les lois sont toujours à la traîne ou à la remorque de ces types de technologie, signale, en outre, le sociologue. C’est le cas aux États-Unis, et il ne saurait être différent au Canada, encore moins au Québec, poursuit-il. En ce sens, il voit dans la motion proposée par le conseiller Marvin Rotrand, une sorte de moratoire ou interdiction de la technologie de la reconnaissance faciale, qui peut, selon lui, renverser la situation.
« C’est une façon de n’être plus à la traîne, d’anticiper l’automatisation, le déploiement de ces dispositifs de surveillance massive et diffuse », conclut-il.
Une idée soutenue par l’ex-ministre de la Justice du Canada de 2003 à 2006, Irwin Cotler, faisant remarquer que « ces types de technologies progressent beaucoup plus rapidement que les lois qui protègent notre démocratie ».
Le conseiller Abdelhaq Sari, vice-président de la commission de la sécurité publique, appuie la motion de M. Rotrand qui, selon lui, est un pas dans la bonne direction.
« Au-delà de l’aspect de la réglementation de l’utilisation de la reconnaissance faciale, il faut que la ville encadre tous les types de technologies utilisant l’intelligence artificielle, que ce soit pour la collecte, l’analyse, le traitement et la communication des données », intercède-t-il.
Le centre de Recherche action sur les Relations raciales (CRARR) et la Ligue des Noirs du Québec figurent parmi les 26 organismes communautaires qui soutiennent la motion du conseiller Marvin Rotrand. Des préoccupations que partage également l’Association canadienne des libertés civiles.
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One Comment on “Technologies de surveillance: le SPVM est à surveiller”
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Un très bon travail Lucmane Vieux