Verdun : un col bleu attaque son syndicat pour avoir changé sa plainte à son insu - Intexto, jounal nou
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Un ancien col bleu de race noire, Josselin Jean, qui a été embauché en 2020 comme col bleu auxiliaire et préposé aux travaux et à l’entretien, à l’arrondissement de Verdun, à la Ville de Montréal et révoqué au cours de sa période d’essai, attaque aujourd’hui son syndicat pour défaut de représentation et manœuvre de changer la nature de sa plainte.
Durant sa période d’essai, monsieur Jean a reçu deux évaluations qui lui ont été défavorables, ce qu’il qualifie de «raciste». En juin 2021, l’employeur a mis fin à son emploi après sa deuxième évaluation. Le motif appuyant cette fin d’emploi est que monsieur Jean n’a pas réussi la période d’essai prévue à la convention collective.
Il a porté plainte contre son employeur pour «discrimination» à l’emploi. À son insu, le syndicat a retiré le volet « discrimination » du grief, en mai 2022. Ce n’est qu’en juin 2023, quand il se présente à l’arbitrage, qu’il a appris que son grief porte désormais sur le « harcèlement psychologique ».
La plainte originale de Josselin Jean et la tentative du syndicat de changere la nature de son grief
Considérant ce geste comme étant arbitraire et discriminatoire, encore une fois, il dépose une plainte en vertu de l’article 47.2 du Code du travail du Québec contre son syndicat, pour défaut de représentation. «Je ne fais plus confiance à un syndicat qui a réduit ma plainte de discrimination et de harcèlement racial à celle de harcèlement psychologique, et ce, sans me consulter au préalable et sans m’en informer pendant un an », déclare aujourd’hui Josselin Jean.
« Nous n’avons qu’à regarder comment les employeurs et les syndicats préfèrent reconnaitre le harcèlement psychologique et le harcèlement sexuel, mais presque jamais le harcèlement racial », constate le directeur général du CRARR, Fo Niemi, qui aide l’ancien col bleu de Verdun à se défendre.
«Il y a des nuances importantes entre la discrimination et le harcèlement, surtout lorsque l’on parle de discrimination raciale systémique. Nous croyons que la réduction d’une plainte de discrimination ou de harcèlement racial à une plainte de harcèlement psychologique doit être déclarée discriminatoire en soi par les tribunaux », conclut-il.
Depuis son entrée en poste, Josselin Jean affirme subir de mauvais traitement de la part de l’employeur. Au total, sept personnes ont été embauchées en décembre 2020, dont quatre Noirs. On est en pleine pandémie. À la cafétéria, les places pour s’asseoir sont identifiées et personnalisées par l’employeur. Les Noirs n’en avaient pas qui leur étaient attribuées.
«Je mangeais debout pendant trois mois sur l’heure du dîner», affirme M. Jean en entrevue avec In Texto. Un employé blanc avec plus d’ancienneté qui trouvait la situation inacceptable qui l’a portée à l’attention des responsables. Une place a donc été assignée à M. Jean après trois mois.
«Mais depuis ce temps-là mon contremaître ne pouvait plus me sentir, dit l’ancien col bleu, il ne répondait même plus à mes salutations et j’avais compris que quelque chose s’en venait contre moi»
quelques jours plus tard, après une journée de travail, ce superviseur l’invite à une rencontre et Josselin Jean lui demande du temps pour aller chercher son délégué syndical. «Il m’a dit qu’on n’a pas besoin de délégué, puisque vous n’êtes pas syndiqué ici. Et c’est là où il m’a dit qu’on a déjà embauché sept Noirs, on ne peut pas te garder. On ne peut pas en mettre plus.»
Selon le CRARR, la discrimination ou le harcèlement racial doit être examiné selon l’angle de la Charte des droits et libertés de la personne, qui permet une approche plus libérale et systémique contre le racisme, l’imputabilité personnelle des auteurs des actes discriminatoires, ainsi que des mesures de redressement systémique telles l’adoption de politiques antiracistes et de formation obligatoire.
Or, le concept plus limitatif de harcèlement psychologique relève plutôt de la Loi sur les normes du travail qui ne permet pas d’examiner le racisme systémique ou d’imposer des mesures de correction systémique.
En privilégiant le concept de harcèlement psychologique au détriment de celui de racisme, les employeurs et les syndicats pourraient effectivement contribuer à la « déracisation» du problème et au refus de reconnaître le racisme systémique au Québec.
Le cas de monsieur Jean n’est pas le seul. Le CRARR est saisi de plus en plus de cas semblables dont quelques-uns se dirigent vers le TAT, qui n’a aucun juge issu des groupes racisés.
D’après le CRARR, il s’agit d’une pratique récurrente des syndicats afin de réduire les problèmes de discrimination et de harcèlement racial en milieu de travail à celui de harcèlement psychologique. Et cela fera éventuellement l’objet d’une contestation devant le Tribunal administratif du travail (TAT).